wake island
Pour un groupe isolé de 400
Marines, avec seulement quelques pièces d'artillerie et une douzaine
d'avions, cette petite troupe va néanmoins résister durant deux
semaines aux forces d'invasion japonaises. Wake est
située à 5 heures à l'ouest d'Hawaii, à peu près au milieu de nulle
part. La soi-disant île est en fait un atoll en forme de V, lui-même
composé de trois îlots de corail (Wake proprement dite, le corps du V,
Wilkes et Peale, les deux extrémités) reliés par une route, avec un
récif entourant un lagon.
A la date du 6 décembre 1941, veille de l'attaque japonaise sur Pearl Harbor, le statut défensif de Wake était loin d'être idéal. Bien que conçue comme base pour hydravions de reconnaissance Catalina, l'île n'en possédait encore aucun. Et seules les installations les plus primitives étaient déjà en place pour le support des avions. Sans compter que son escadrille, la VMF-211, n'avait que 12 avions F4F Grumman Wildcats et que ses pilotes étaient encore à s'entraîner avec ce modèle nouveau pour eux. Sur l'ensemble de l'atoll, il y avait 449 Marines de tout rang, détachés du 1er Bataillon de défense, équipés et entraînés pour le combat. Les défenses au sol intégraient l'artillerie complète d'un bataillon de défense : elles avaient été installées, protégées par des sacs de sable et camouflées, à force de journées de travail de 12 heures. Cependant, pour manier l'ensemble des canons, 43 officiers et 939 hommes du rang auraient été nécessaires alors que seuls 15 et 373 étaient disponibles. En outre, l'île comptait 1.200 employés de construction civils non armés.
L'annonce de la guerre arriva le 8 décembre 1941 à 7 heures du matin, heure locale. A 11 heures, plusieurs avions surgirent des nuages : il s'agissait de la force d'attaque japonaise, composée de 34 bombardiers Nell kilomètres au sud. La pluie présente masqua leur descente et leur approche, mais l'absence complète de tout avertissement à temps mettait en évidence un des besoins les plus cruciaux pour les défenseurs : la nécessité d'un radar. L'offensive japonaise fut dévastatrice. Utilisant des bombes de 100 livres et des canons de 20 millimètres, l'attaque aérienne avait détruit sept des chasseurs F4F au sol. Le réservoir de carburant reçu un coup direct, explosa et souffla tout alentour. L'escadrille VMF-211 venait de subir 60% de pertes et 84 américains étaient morts ou mourants. Partout dans le Pacifique, c'était le même scénario : à Pearl Harbor, Guam, aux Philippines, en Chine du nord. Dans sa première allocution après le désastre de Pearl Harbor, le Président Roosevelt avait prévenu les américains pour se préparer à l'annonce de la chute de Wake. Avec le gros de la flotte au fond des océans, il ne pouvait être question, pour les jours immédiats, d'une défense navale de Wake. L'île allait devoir compter sur ses seules forces. Le lendemain matin, les bombardiers japonais revinrent, méthodiques presque jusqu'à la faute : l'heure, l'altitude et l'approche étaient inchangés. L'escadrille de défense (du moins, ce qui en restait) les accrocha, et parvint à en descendre un en flammes. Puis, les batteries anti-aériennes ouvrirent le feu : cinq bombardiers dégagèrent de la fumée et un sixième s'enflamma et explosa. Durant les deux jours à venir, les défenseurs allaient détruire deux autres avions et en toucher un certain nombre d'autres qui allaient repartir avec une traînée de fumée derrière eux. Ce deuxième raid toucha durement le camp et la station aéronavale. L'hôpital fût détruit, de même que la radio de la Marine, ainsi que des baraquements, tuant en même temps 55 civils et 4 militaires. Mais, comme la suite des événements allait le démontrer, aussi considérables que pouvaient être les dégâts, ils n'étaient pas suffisants pour permettre un assaut.
L'amiral Inouye, commandant
japonais de la 4ème Flotte Impériale, était chargé par les plans
d'alors, non seulement de la capture de Wake, mais plus important
encore, de celle de Guam, de Makin et de Tarawa. Dans la nuit du 10
décembre, Guam tombait. Et plus tôt dans la même journée, Makin et
Tarawa s'étaient rendues. Seule Wake subsistait.
La conduite de
cette dernière opération fût confiée au contre-amiral Kajioka. Les
forces navales à sa disposition comprenaient son propre croiseur léger,
le Yubari, deux autres croiseurs léger et
six destroyers , deux destroyers de transport, deux transports de
troupe, et deux sous-marins. Le plan prévoyait de débarquer 150 hommes
sur Wilkes, et 300 autres sur la plage sud de Wake pour capturer
l'aéroport sous la couverture des canons des navires Le 11 décembre, à 3 heures du
matin, les navires ennemis furent repérés par les vigies. A 5 heures,
les navires de Kajioka débutèrent leur approche finale. A cause du
temps défavorable et d'une mer agitée, les bateaux progressaient
lentement et pas de la manière souhaitée ; certaines barges de
débarquement étaient même retournées. Peu après, la flotte ouvrît le
feu sur la partie sud de Wake. Les batteries côtières, cependant,
restèrent silencieuses et cachées derrière un camouflage de
broussaille. A 6 heures du matin, lorsque les navires ennemis furent
assez près, les Marines commencèrent également à tirer. Alors que les
américains venaient de définitivement révéler leurs positions, les tirs
de riposte japonais s'avérèrent très imprécis. Une batterie envoya deux
obus sur le Yubari au niveau de la ligne d'eau, et deux autres
touchèrent son arrière. Gravement touché, le Yubari se retira au-delà
de l'horizon. Le tir d'une autre batterie causa une violente explosion
sur le destroyer Hayate : il se brisa en deux et coula. Le Oite était
la cible suivante et reçu un coup direct : le navire lança alors un
écran de fumée et s'esquiva tant bien que mal. Les artilleurs
reportèrent leur tir sur les transports de troupe Kongo Maru et Konryu
Maru : un obus toucha le navire de tête, provoquant la fuite des deux.
Un autre croiseur, à l'extrémité ouest de l'île reçu un obus à la poupe
et se déplaça pour être hors de portée. Enfin, le destroyer Yayoi
accusa un coup dans sa poupe où un incendie se déclara. Kajioka ordonna
alors une retraite.
Cependant, la flotte n'avait pas de couverture aérienne, et les Wildcats subsistants la retrouvèrent à moins d'une heure de Wake. Le destroyer Kisaragi, souffrant déjà d'un coup préalable, explosa sous les bombes, et un autre destroyer subit de grands dommages. La défaite japonaise était totale : deux navires coulé, sept endommagés, et probablement environ 500 japonais périrent alors que seulement quatre Marines étaient blessés.
L'ennemi conserva une pression aérienne sur l'atoll. Jour après jour, les bombardiers Nell basés à terre attaquèrent, désormais couverts par des chasseurs Zéro et épaulés par des hydravions Mavis utilisés comme bombardiers, puis bientôt par des bombardiers en piqué Val depuis les porte-avions Soryu et Hiryu. Les avions s'attaquèrent méthodiquement aux positions de défense et aux batteries américaines.
Pendant ce temps, à Pearl Harbor, une expédition de secours était prête
à appareiller. Les secours à proprement parler consistaient dans le
cargo Tangier et le pétrolier Neches : leur mission était d'apporter
munitions et renforts ainsi que de nouveaux avions, et de ramener les
blessés et une partie des civils à Pearl Harbor. L'expédition devait
être protégée des attaques aérienne, de surface ou sous-marine par le
groupe du Saratoga. Ce dernier comprenait le porte-avions du même nom,
trois croiseurs lourd et neuf destroyers. Mais la progression du groupe
était considérablement réduite, la vitesse maximum de son élément le
plus lent, le vieux Neches, étant de 12 noeuds.
Le 21 décembre, des
renseignements parvinrent à Pearl Harbor, indiquant une importante
concentration de forces aériennes basées dans les îles Marshalls, et la
possibilité que le groupe du Saratoga rencontre des éléments de surface
durant son approche de Wake. Sommé de choisir entre la retraite ou le
renforcement de Wake, l'amiral Pye, agissant en tant que chef suprême
de la Flotte du Pacifique, décida finalement que le risque était trop
grand. Au regard des pertes subies à Pearl Harbor, il ne pouvait
prendre le risque de perdre un porte-avions ou un autre navire capital.
Finalement, la flotte de renfort fût rappelée .
Du côté japonais, les mêmes difficultés que pour la première tentatives étaient prévisibles, mais le haut commandement conserva presque inchangées les bases du schéma d'attaque. Le nouveau plan était, au fond, surtout une version amplifiée par ses moyens de l'originale qui avait échouée. Les navires coulés furent remplacés par deux nouveaux destroyers , en plus d'un autre ajouté, le Oboro. En complément, deux porte-avions , suivi des croiseurs lourds Tone et Chikuma et des destroyers Tanikaze et Urakaze, fûrent détachés de la force d'assaut sur Pearl Harbor pour être dirigés sur Wake. L'amiral Isoroku Yamamoto, le commandant en chef de la Flotte combinée, était désormais convaincu que Wake, au contraire d'autres objectifs du centre du Pacifique, était une pierre d'achoppement majeure. Pour laisser le moins possible d'opportunité aux batteries côtières, le débarquement initial fût prévu pour avoir lieu dans l'obscurité, bien avant l'aube. Et pour renforcer la surprise, il n'y aurait pas de bombardement naval préliminaire.
Les Marines repérèrent la force japonaise le 23 décembre à 2 heures du matin. A ce moment, les 1.000 hommes de l'infanterie de marine japonaise étaient déjà en train de prendre place dans les barges de débarquement : deux se dirigèrent vers Wilkes et les autres vers la côte sud de Wake.
Sur l'île de Wilkes : à
2 heures 45, la compagnie japonaise comprenant environ 100 hommes
débarqua sur la plage, sous le feu nourri de mitrailleuses dans le
terrain au-dessus. La petite garnison de Marines sur l'ensemble de
Wilkes était de 70 hommes environ. Très rapidement, les japonais
s'emparèrent de la position de la batterie la plus proche, puis
entamèrent un mouvement vers l'ouest pour capturer la seconde batterie.
Cela sera tout ce que les japonais parviendront à faire ici. La
progression s'avéra vite impossible, le feu de mitrailleuses camouflées
les clouant au sol. Vers 4 heures, la situation était stabilisée. Les
japonais tenaient solidement la position de la première batterie, mais
entourés par les Marines qui leur empêchaient toute extension de la
tête de pont. Les deux groupes présents de Marines groupèrent alors
leurs forces et tentèrent de reprendre la position perdue. Après la
réussite de l'assaut, les pertes japonaises s'avéraient horribles : ils
avaient au total perdu 4 officiers et 90 hommes. Alors que du côté
américain, 9 Marines et 2 travailleurs civils avaient été tués. Mais la
ligne de communication avec le poste de commandement était coupée, et
cela va induire le Major Devereux en erreur, lui laissant croire que
Wilkes venait de tomber aux mains des japonais. Autour de 8 heures du
matin, après que leurs forces aient été totalement repoussées, les
japonais poursuivirent par un bombardement aérien et naval, jusqu'à
finalement parvenir à détruire ces fameuses batteries côtières.
Sur l'île de Wake :
pendant ce temps, vers la côte sud de Wake, les navires de patrouille
foncèrent délibérément vers le rivage pour s'échouer à une des
extrémités de l'aéroport. Alors que les compagnies japonaises
dévalaient des bords, le Lieutenant Hanna et ses équipiers tirèrent
avec un canon de 3 pouces dans la coque du navire qui explosa
immédiatement. Aidés par la lumière du navire en flammes, Hanna et ses
hommes reportèrent leur feu sur l'autre navire, qui fût à son tour
sévèrement touché. Néanmoins, durant cette résistance, deux autres
barges de débarquement réussissait à atteindre le récif, un peu à l'est
du canal pour Wilkes : la force japonaise, d'environ 100 hommes,
prenait rapidement position sur le rivage avant d'infiltrer la zone de
broussailles devant eux. Peu après, une nouvelle force de débarquement
s'essaya près des destroyers échoués. Quelques instants plus tard, le
détachement américain conservait toujours sa position au sud de
l'aéroport, mais était désormais cerné par les renforts japonais qui
tentèrent plusieurs assauts.les porte avions lancèrent alors leurs
avions en soutien des troupes au sol. A 7 heures 15, les bombardiers en
piqué parvenaient au-dessus de l'île et éventraient les positions
défensives restantes. Avec son poste de commandement sous le feu
ennemi, persuadé de la perte de l'île de Wilkes, et au vu de
l'écrasante supériorité aérienne ennemie, le Major Devereux leva le
drapeau blanc. La garnison, dispersée et épuisée, se rendait aux
japonais.
Épilogue
Quatre-vingt-un Marines, huit marins, et 82 travailleurs civils furent
tués durant la bataille. Les japonais, cependant, payèrent chèrement
leur victoire. les estimations suivantes peuvent être faites : 21
avions détruits et 51 endommagés, 3 navires détruits ou coulés et 8
endommagés, plus de 1.000 hommes tués ou disparus. Au regard de la
puissance accumulée pour l'invasion et des maigres forces des
défenseurs, il s'agit d'une des batailles les plus humiliantes que la
Flotte japonaise ait eue à subir. Enfin, la résistance de Wake avait
ralenti la progression de la campagne japonaise prévue pour la conquête
du Pacifique
Enragés par leurs pertes, les japonais traitèrent brutalement les prisonniers militaires.
Durant le reste du conflit, Wake fut la cible de raids aériens
américains, le premier en février 1942. Le raid d'octobre 1943,
cependant, eut des répercussions fatales pour les prisonniers sur
place. Le commandant japonais de l'atoll, craignant que ces raids
soient précurseurs d'un important débarquement et que ces civils se
transforment en cinquième colonne, les fit tous exécuter. , il fût
condamné comme criminel de guerre
Wake ne fut pas reprise durant
la guerre. Aucun débarquement sanglant ne fût tenté, car la supériorité
aérienne américaine et leur contrôle des mers ne rendait plus l'île
nécessaire. Les américains retrouvèrent Wake après la capitulation
japonaise en 1945.